L’employeur est tenu d’indemniser le salarié des frais engagés pour la réalisation de son travail, dans le respect des règles fixés. « Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur, doivent être remboursés […] » *. Cependant, différents modes d’indemnisation des frais professionnels sont possibles. Mais quel qu’ils soient, l’indemnisation n’a pas le caractère de salaire, ce qui a d’importantes conséquences.
* Cour de cassation, chambre sociale, 25 février 1998, N° : 95-44096 96-40144, arrêt suivi de nombreux autres similaires)
Les différents modes d’indemnisation des frais professionnels
Différentes façons de rembourser ou d’indemniser le salarié sont possibles. Ainsi, le dédommagement de ces frais peut prendre la forme :
- d’un remboursement des dépenses réelles du salarié sur présentation de justificatifs ;
- d’un versement d’allocations ou indemnités forfaitaires ;
- et dans certaines professions, d’un salaire incluant forfaitairement un remboursement des frais engagés par le salarié.
Type de frais imposant un remboursement sur la base des dépenses réelles
Par exception à la règle, il existe des types de frais pour lesquels le remboursement s’effectue obligatoirement sur la base des dépenses réellement engagées.
- du salarié exerçant en télétravail ;
- ou du salarié pour l’utilisation professionnelle d’outils relevant des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Par exemple : téléphones portables, ordinateurs portables ou non, logiciels, modems d’accès à un télécopieur, connexion à Internet.
NB : Selon la Cour de cassation, le remboursement doit être celui « des dépenses réellement exposées ». Lorsque l’employeur ne peut en justifier, le remboursement doit être effectué d’après la déclaration des salariés « évaluant le nombre d’heures d’utilisation à usage strictement professionnel de ces outils, dans la limite de 50 % de l’usage total ». La Cour a précisé que « cette indemnisation ne peut être évaluée forfaitairement » (2ème chambre civile, 28 mai 2014, N° : 13-18212).
- de déménagement dans le cadre d’un changement de résidence lié à une mobilité professionnelle géographique ;
- des salariés en mission temporaire ;
- des salariés mutés en France par des entreprises étrangères, sans bénéficier du régime du détachement communautaire, ou d’une convention bilatérale de sécurité sociale ;
- ou par les salariés des entreprises françaises détachés à l’étranger qui continuent de relever du régime général de sécurité sociale ;
- ou encore des salariés en mobilité professionnelle entre la métropole et les territoires français d’outre-mer.
Par ailleurs, pour tous les autres frais, l’employeur peut rembourser les dépenses réellement engagées par le salarié. Il peut aussi lui verser des indemnités ou allocations forfaitaires si les obligations suivantes sont remplies.
Conditions requises pour autoriser l’indemnisation forfaitaire
Pour un remboursement forfaitaire, plusieurs obligations doivent être remplies :
- un accord est obligatoire, dans le cadre de la convention collective de branche, d’un accord d’entreprise, ou du contrat de travail ;
- la rémunération du travail, hors compensation des frais, doit rester au moins égale au SMIC ;
- le montant de la somme forfaitaire compensant les frais ne doit pas être manifestement disproportionné par rapport au montant des frais professionnels réellement engagés. [NDLR : En fait, il peut y avoir une différence sur un temps court. Mais, un équilibre sur une certaine période plus longue doit s’établir entre le montant du forfait et les frais réels].
Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, le salarié peut réclamer le remboursement des frais réels. Mais ce qui aura été versé devra être déduit.
La Cour de cassation a indiqué les deux premières conditions, depuis plus de 20 ans. Par contre, la troisième résulte d’une décision de la chambre sociale de la Cour de cassation plus récente. Elle date, en effet, du 20 juin 2013 (N° : 11-19663).
Conséquences du caractère non salarial de l’indemnisation des frais
L’indemnisation des frais professionnels n’a pas de caractère salarial
Les remboursements ou indemnisations de frais professionnels ne constituent pas un élément du salaire. Mais l’indemnisation doit concerner des dépenses inhérentes à l’emploi. Et de plus, le salarié indemnisé doit avoir effectivement effectué ces dépenses. Ce principe s’applique quel que soit la forme d’indemnisation. Et peu importe l’appellation donnée à l’une ou l’autre des indemnisations : indemnité, remboursement de frais, prime *, avantage, ou gratification…
* Par exemple, la prime de panier.
Le Code de la sécurité sociale pose clairement le principe
L’article L 136-1-1 du Code de la sécurité sociale est particulièrement clair sur le caractère non salarial et sur l’encadrement de l’indemnisation des frais :
« Ne constituent pas un revenu d’activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondant dans les conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi des travailleurs salariés ou assimilés que ceux-ci supportent lors de l’accomplissement de leurs missions. »
La Cour de cassation confirme le caractère non salarial
Dans un arrêt du 11 janvier 2017 rendu en formation plénière, la Cour de cassation s’est clairement positionnée. Elle a d’abord relevé :
- que le montant de la prime de transport mensuelle variait en fonction de l’éloignement domicile/ lieu de travail.
- et que les déductions, effectuées au prorata des périodes non travaillées, n’ont jamais été remises en cause, ni au plan individuel ni au plan collectif.
Par suite, la Cour de cassation a indiqué qu’une prime de panier et une indemnité de transport n’avaient pas la nature d’un complément de salaire. En l’espèce, la prime de panier compensait le surcoût du repas consécutif à un travail posté (de nuit, ou selon des horaires atypiques). Et l’indemnité de transport indemnisait les frais de déplacement du salarié de son domicile à son lieu de travail.
Pour la Cour, peu importe, le caractère forfaitaire et que le versement ne soit pas soumis à la production de justificatifs.
(Cour de cassation, chambre sociale, 11 janv. 2017, n° 15-23341).
Ce caractère non salarial a d’importantes conséquences
Absence de cotisations et d’impôts sur les remboursements
L’indemnisation forfaitaire des frais professionnels, comme leur remboursement sur la base des frais réels, est exclue de la base de calcul des cotisations de Sécurité sociale. De même, elle n’est pas soumise à la CSG-CRDS et n’est pas imposable au titre du revenu.
Dans la formule consistant à inclure l’indemnisation forfaitaire dans la rémunération, l’employeur applique une déduction correspondant au remboursement forfaitaire sur le salaire, pour calculer les cotisations sociales et la CSG-CRDS. C’est notamment le cas pour les VRP.
Autres conséquences pour le salarié
L’indemnisation des frais exposés par un salarié en raison de son travail n’est pas considérée comme un élément de rémunération. Par conséquent, elle n’est pas prise en compte pour le respect du Smic, ou pour le calcul des indemnités journalières de sécurité sociale. De même, elle n’est pas prise en compte pour les indemnités de congés payés, les indemnités de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et celle de mise ou de départ en retraite.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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